vendredi 29.03.2024  

atome, centrale digitale

 

 

 

France Techno backbone-digital.com
   
La vie en Bleu - interview Christian Morgenstern 

Reflet exact de la philosophie Forte records, Hawaii Blue, ultime album très "home listening" de Christian Morgentern devrait en étonner plus d'un. Entre mélodies et cross-over, l'allemand y exprime son désir de s'éloigner des dancefloors et de franchir de nouvelles contrées sonores. Un pas vers l'éclectisme donc pour ce graphiste / musicien, auteur de multiples succès ces dernières années sur Kanzleramt, Kurbel ou encore Konsequent.

- Atome : Ton nouvel album "Hawaii Blue" sort ce mois-ci. Comment le décrierais-tu ? Quelles sont les principales différences entre ce nouvel opus et les albums produits sur Kanzleramt et Forte ?
- Christian Morgenstern : Le concept principal d'Hawaii Blue était de créer un album électronique relaxant et agréable à écouter. Par contraste avec le Lydia LP, album assez dark et mélancolique, Hawaii Blue est plus chaleureux, plus ensoleillé, d'esprit plus ouvert. A l'inverse de mes précédentes productions, cet album a été vraiment étudié pour passer dans votre lecteur CD. Hawaii est formaté pour l'écoute domestique plus que pour la danse en club (bien que certains titres aient un kick puissant). A l'origine, Hawaii Blue avait été conçu pour n'être qu'une compilation. A chaque fois que j'en avais assez de faire des morceaux techno, je composais ce type de musique inspirée par la pop des années 80. Un certain temps s'est écoulé et un ami m'a conseillé de regrouper tous ces titres sur une compilation. C'était aux alentours de juin 2000. Finalement, l'idée de départ s'est transformée en un véritable album. C'est ainsi qu'est né Hawaii Blue (à l'origine Hawai iBlue). Je voulais produire un album qui ait un réel fondement artistique, pas seulement une succession de titres, un album que vous aimeriez écouter d'une seule traite comme un voyage musical. C'est pourquoi le concept a pris plus de temps à naître que la production des titres en elle même.

- A : L'album "Lydia" était très différent de tes autres productions. Plus minimal, moins électro. Partages-tu ce point de vue et y avait-il une raison ?
- C.M. : "Lydia" a été le premier album sur lequel j'ai utilisé ma nouvelle table de mixage. Jour après jour, tes capacités d'utilisation de ce matériel évoluent de plus en plus. La teneur musicale de cet album dépendait donc des sonorités auxquelles je pouvais accéder. Ce qui explique que Lydia, même s'il a été produit avec un équipement assez vieux, a un son très propre et même parfois digital (chose pour moi assez inhabituelle). Comme la plupart des morceaux crées avant Lydia ont été fait uniquement à partir d'une petite table de mixage sans équaliseur, d'un sampler et d'une boite à effets basique, j'ai été complètement fasciné par la façon dont l'on peut manipuler, altérer chaque détail sonore et réaliser des idées sophistiquées à partir de ce nouvel équipement. Autant Hawaii Blue est mon album le plus musical à ce jour, autant Lydia est le plus technique.

- A : Sur plusieurs de tes disques, on peut entendre des musiques SID. Pourquoi ? Faisais-tu partie de cette scène à l'époque ? peut-être en tant que musicien pour des jeux ou demos ?
- C.M. : Ces morceaux sont en fait des modules Protracker. Quand je faisais partie de la scène Amiga (en tant que graphiste et non comme musicien), j'ai collectionné des tas de "chip tunes" pour le plaisir et je passais des journées entières à les écouter. Comme l'intérêt principal des ces modules était d'occuper un minimum d'espace disque, les morceaux étaient uniquement composés de quelques patterns qui étaient joués en boucle (ainsi, la taille du morceau final était toujours inférieure à 20 KB environ, samples inclus). La mélodie et la structure de ces modules devaient être bien pensées de manière à ne pas vous lasser même si vous les écoutiez sans cesse. Au fil du temps, ces musiques ont fait partie intégrante de ma vie malgré l'aspect simpliste qu'on peut leur accorder. Je me suis bien rendu compte qu'elles ne pouvaient pas être écoutées en dehors du monde de la scène Amiga et que leur son, même s'il est plutôt "pouet" était sans précédent. A côté de ça, ce sont ces petites compositions qui m'ont orienté vers la musique et ces modules nostalgiques arrivent toujours à m'enchanter.

- A : Comment se porte aujourd'hui Forte records, ton label ? Quelle en est sa ligne artistique et quelle était ta motivation à son origine ?
- C.M. : En regardant en arrière, à l'époque ou Forte a été crée, je crois que j'ai eu un besoin viscéral d'avoir mon propre label, de développer mon son et d'être à l'origine de tout le processus créatif, de la musique aux visuels en passant par le marketing ou la promotion... Et non pas simplement attendre que le facteur vienne m'apporter les pressages terminés des morceaux que j'avais pu envoyer. J'ai toujours senti ce désir profond d'habiller visuellement mes productions. Lors de mes débuts musicaux en 1995 sur un petit label allemand, je me souviens avoir crée les visuels avec la personne pour laquelle je faisais du graphisme sur Amiga auparavant (nous nous faisions appeler C.A.T : la Covert Action Team). Comme je n'étais pas intéressé seulement par les sonorités électroniques, j'avais lancé l'idée d'ouvrir une plate-forme ouverte à toute sorte d'expression musicale et Forte est né. Le concept de Forte est de développer une musique synthétique de haute qualité, innovante, de la répandre aux quatre coins du monde afin de toucher les auditeurs intéressés par ce style et de briser les barrières musicales.

- A : Pourrais-tu nous présenter l'équipe qui compose Forte, en particulier le duo Ural 13 Diktators ?
- C.M. : Les Ural 13 sont deux finlandais qui ont rejoint la famille Forte fin 1999. Je me suis procuré leur second maxi, le Diskossa EP, et j'ai été complètement bluffé par la manière dont ils combinent grooves dancefloor et mélodies. Je les ai contactés et il a fallu une bonne année avant que le concept de Total Destruction ne voit le jour. A coté de cela, la famille Forte associe les membres suivants : Maral Salmassi (DJ / A+R), Michael Spahn (Internet Consultant / Creative Director), Falko Brocksieper (DJ / Graphic Artist), Thorsten Schneider (Photographer / Support), Hirad Salmassi (Grip / Roadie).

- A : Parlons un peu de toi. Comment as-tu rencontré la musique électronique ? A quel moment t'es tu mis à composer et comment définirais-tu ton style ?
- C.M. : Je suis venu à la musique techno grâce à la scène Amiga. C'était en 1992 à l'occasion d'une compétition graphique à Aars (Danemark). Presque tout le monde écoutait de la techno ou du métal. Quant à moi, je détestais ces deux courants. Le déclic est venu avec "Felix - Don't you want me". J'étais dingue de ce morceau et je me suis mis soudain à acheter pas mal de musique techno / trance comme ceux de la compilation Mayday. En parallèle, je me suis lancé dans la création musicale avec l'Amiga et j'ai peu à peu délaissé le graphisme. Quand un ami de Stuttgart m'a appelé en me disant qu'il venait d'acheter un synthé et qu'il souhaitait faire de la techno, j'ai emprunté plusieurs instruments à un pote guitariste et suis parti à Stuttgart. J'y suis resté une semaine. Nous avons produit nos premiers titres et les avons envoyé à différents labels (comme Harthouse...). Personne n'a aimé. Nous avons persévéré et fondé notre label intitulé "? records" sur lequel notre seul et unique maxi est sorti avant que nous nous séparions pour divergence de goûts. J'ai travaillé dans une usine sidérurgique pendant deux semaines pour m'acheter une table de mixage, un multi-effets et un compresseur. Plus tard, je me suis payé un sampler et me suis remis à la production. En jetant un oeil sur le passé, je dois admettre que j'ai passé un temps fou devant mon équipement à faire de la techno. Je me levais, j'allumais tous les appareils et je produisais jusqu'à ce que la faim me tenaille. Cette situation a duré jusqu'en 1997 ou je suis entré à l'Académie des arts et médias à Cologne. Comme la techno finissait par m'ennuyer et comme j'ai toujours été sensible à divers styles de musique, des sources sonores différentes m'ont inspiré et je me suis éloigné des schémas classiques de la techno. Hawaii Blue est le statut quo de ce développement.

- A : Et quelles ont été tes principales sources d'influences musicales ?
- C.M. : En techno, il y a quelques artistes dont j'apprécie la musique : Thomas Brinkmann, Surgeon, quelques titres de Joey Beltram, des vieux morceaux de Luke Slater ou Jeff Mills, quelques productions des artistes de Kanzleramt ou des gens dont les labels sont basés à Cologne... J'aime beaucoup de choses. Lorsque j'ai démarré dans l'électronique, j'adorais Christian Vogel et Neil Landstrumm. Mais d'autres types de musique m'ont influencé : le Hip-Hop (GangStarr, EPMD, Eric B & Rakim, Methodman, Redman, Balck Eyed Peas...) la Black & Soul Music (Quincy Jones, Michael Jackson, Billy Ocean, The Gap Band...), la pop contemporaine (Britney, N'Sync, Backstreet Boys), le Heavy-Metal (Judas Priest, Deep Purple, Iron Maiden, Metallica...), le jazz, la pop des 80', David Bowie, Joy Division, Depeche Mode, Roxy Music, et des trucs plus récents comme Radiohead, Nick Cave, Smashing Pumpkins, Placebo...

- A : Racontes nous ta rencontre avec Heiko Laux de Kanzleramt.
- C.M. : J'ai rencontré Heiko la première fois à la "Popkomm Neuton Party" de Cologne. Heiko travaillait encore à l'époque chez Neuton Distribution et ce jour là, il jouait en live. Un ami à moi est venu avec l'idée de lui donner une k7 (j'avais envoyé entre 20 et 40 démos à différents labels) et j'ai suivi son conseil. Au départ, Heiko a cru que je voulais enregistrer son live mais quand il a su de quoi il s'agissait, il a pris la k7 et l'a mise dans une de ses caisses. Je me suis dit "Bravo, encore une démo de perdue !". C'était un vendredi après-midi. Le lendemain à midi, le téléphone a sonné et Heiko était au bout du fil.

- A : Quels sont les artistes avec lesquels tu souhaiterais travailler ?
- C.M. : Il y a un paquet de monde. En particulier des artistes d'horizons musicaux étrangers à l'électronique. J'aime pratiquer le cross-over. Je pense que les limites et les clichés musicaux n'existent plus à une époque où l'on peut assister à une performance live de Christina Aguilera aux MTV Awards. Je suppose que mon prochain projet musical traitera de ce phénomène des genres.

- A : Que comptes-tu sortir en 2001 ?
- C.M. : Avant tout, j'espère qu'Hawaii Blue recevra un bon accueil. Ensuite, il y aura un dernier maxi sur Kanzleramt intitulé "Benihana" pour cet été. "The class of 84" devrait être re-édité sur Konsequent Records du fait d'une large demande. C'est un album hard-techno qui a été réalisé en octobre dernier en tirage limité avec mon alter ego Visco Space et qui a grimpé très rapidement dans les charts. Je vais probablement aller plus loin dans la production d'artistes. Le temps nous le dira. Pour le moment, je travaille sur la bande son d'un court métrage et cela devrait m'occuper encore quelques semaines voir quelques mois. Puis, je suppose que je serai très occupé par la préparation de mon diplôme.
(date de publication originale : 05/03/2001)
www.forterecords.de     www.brainfood-for-the-masses.com
Nexus 6, 23/06/2003

En écoute :
  - Christian Morgenstern :   interview / atome  realaudio 

Christian Morgenstern

Forte Records

Hawaii Blue

Lydia EP

Death Before Disko

Hawaii Blue

Christian Morgenstern