- Atome : Tout d'abord Laurent, nous souhaitions te féliciter pour ton album "Konztruktivizm", un opus brillant, éclectique et rempli de références, bien différent de ce nous pouvons entendre des sorties electro actuelles. D'après les échos que tu as pu déjà glaner ci et là, comment a-t-il été perçu et accueilli ?
- Növö : Tout d'abord merci pour vos congratulations. Pour répondre à ta question concernant l'accueil de cet album je ne peux que me réjouir des premiers échos positifs reçus de ci de là. Nous vivons actuellement dans un certain engouement pour les années passées, c'est probablement l'une des raisons de ce succès. Les années 70 et 80 sont depuis quelques temps des influences majeures tant dans la mode que le design. La musique n'y échappe pas ! En tant qu' "actif" des courants underground de ces années (fin 70, années 80), j'ai voulu simplement me satisfaire en "synthétisant" mes premiers amours et mes premières directions artistiques entreprises dans ma carrière musicale. Mon point de vue sur tout cela est que nous n'en avons pas encore terminé et qu'il n'est point besoin d'inventer autre chose pour prétendre à en bannir une autre ! De plus, la nouveauté n'est pas forcément signe de créativité. Je continue à penser que tout n'a pas encore été exploité dans ces directions qui sont miennes et qu'il reste encore de gros potentiels. Les années ont certes effacées les standards d'alors mais les perspectives sont tout aussi importantes. Cet album est donc une sorte de rétrospective de mes années new wave, electro et industrielles, avec l'évolution en plus !
- A. : Abordons son contenu. Comment qualifierais-tu la ligne artistique de "Konztruktivizm" et comment définirais-tu ton son?
- N. : Konztruktivizm est une synthèse de mes influences les plus importantes, ainsi qu'une sorte de "come back moderne" du son de mes premières productions. Il m'est relativement difficile de résumer mon style ou mon son. En effet, depuis que j'ai démarré ma carrière en 1979 j'ai souvent fait l'objet d'une incompréhension de la part des intervenants presse ou autres, m'attendant là ou ils ne m'y trouvaient pas forcément. Les directions formatées ne font pas partie de mes conceptions. Je fais plutôt parti de ceux qui tendent à faire avancer les choses plutôt que de rester sur la stagnation ! Je n'apprécie pas les copies de ce qui est tendance, de plus je travaille dans un système de création un peu différent de ceux utilisés par les 3/4 des artistes électroniques actuels puisque je fonctionne en "projets" et "concepts". Konztruktivizm est un concept, du projet növö. Son concept est basé sur une vision tout à fait personnelle d'un constructivisme non plus emmené par l'humain, mais par l'évolution qui découle de son existence. Sa propre évolution (machinerie, robotique, informatique, société de consommation etc.) devient maître et non plus esclave de son existence, tout cela dans un système totalitaire, juste retour des choses...
- A. : 17 titres sur un seul CD, c'est plutôt rare de nos jours, comment l'expliques-tu ?
- N. : Je ne l'explique pas car je ne fonctionne pas dans une optique de ce genre qui tendrait à suivre une certaine norme tant en matière de style que de marketing. Comme je te le disais plus haut, je travaille sur des projets et concepts. Je ne cherche surtout pas à être limité dans l'acheminement de ceux-ci, mais plutôt de les exprimer le plus juste possible et le plus près du sens propre de ma vision. Pour Konztruktivizm, le résultat fût 17 titres, pas un de plus, pas un de moins !
- A. : Présente-nous "Nagazaki", l'un des climax de l'album et sans doute la cover du mythique groupe belge POLYPHONIC SIZE. Es-tu proche de son leader, Roger Marc VanDeVoorde, si oui comment vous êtes vous rencontrés et comment a-t-il réagi à l'écoute du morceau. Pourquoi as-tu voulu que ce titre figure sur l'album ?
- N. : Avant tout je me dois de rappeler succinctement qui furent les Polyphonic size. Groupe Belge formé par Roger Marc VanDeVoorde en 1978, ce fût un groupe majeur dans toute cette nouvelle scène électronique post-punk Belge. Le punk s'essoufflait et toute une nouvelle génération d'artistes atypiques se mit à inventer autre chose en utilisant de nouveaux instruments (synthés, boites à rythmes). Les P.S. faisaient partie de cette "nouvelle vague" à leurs débuts, et leurs idées furent des plus originales. Découverts et produits par Jean Jacques BURNEL des STRANGLERS, Roger-Marc et ses acolytes sortirent plusieurs albums et maxis entre 1979 et 1989 date à laquelle ils splittèrent. Ils travaillèrent avec de grands producteurs tels Nigel Gray (Siouxie and the Banshees), Taxi Girl mais aussi Daniel Bressanuti (Front 242). La Belgique accueillait alors dans ces années une petite scène d'artistes électroniques novateurs qui plus tard devinrent les références que l'on connaît. La rencontre avec Roger-marc se fit par Stéphane WERQUIN, un ancien animateur radio et organisateur de soirées à Bruxelles. J'ai été relativement influencé par les premières productions de ce groupe au début de ma carrière. Compte tenu de cet engouement pour les 80's et le retour en force de la New Wave électronique, j'ai voulu le faire connaître à la nouvelle génération car P.S fait parti de ces groupes un peu moins connus mais non moins digne d'intérêts. Après avoir travaillé durant plusieurs mois dans les studios GenCom, le remix "Nagazaki" prit naissance. Je le fis donc écouter à Roger Marc qui me donna son feedback puis son accord presque immédiatement. Il fut très surpris par cette reprise radicalement différente de l'original, (surtout dans les rythmiques) mais très enthousiasmé. Je suis pour ma part très satisfait du résultat.
- A. : Ecris-tu tous les lyrics et quels sont tes thèmes de prédilection ?
- N. : Oui, toutes les paroles (sauf Nagazaki), les lead vocals, l'artwork et les concepts sont de moi. Je n'ai pas vraiment de thèmes de prédilections favoris, je suis influencé par tant de choses mais je m'intéresse néanmoins beaucoup à la vie humaine et ses structures : environnementales, politiques, occultes, psychiques etc...
- A. : Comment a réagi Anthony Rother quand il a reçu la première maquette de l'album ? L'as-tu rencontré? Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps avant que l'album ne sorte ?
- N. : Je me souviens encore du jour ou j'ai reçu son appel. Il me laissa un message sur ma messagerie qui disait en gros : "Bravo pour ces morceaux, brillant ! Quelques morceaux le sont moins mais dans l'ensemble c'est vraiment très bien". Il apprécia aussi l'artwork GenComProdukts (les 1ers travaux graphiques, non les définitifs). J'ai été très honoré par ces compliments et son offre de signature, d'autant que je n'avais plus rien fait depuis quelques années et que j'envisageais de mettre un terme à ma carrière musicale. C'est grâce à mon petit ami de l'époque qui me poussa à envoyer cette démo que le projet put voir le jour. Cette démo comprenait seulement quelques titres tels que "I've been inoculed" qui sera le 1er maxi növö sorti sur Psi49net, "Dial 6.05am", "Our Future", "Relative To U", "A Strange Melody" qui fût compilé sur la compilation Psi49net "Electrocommando 1 - Welcome To Psi City", plus deux ou trois autres titres. Tous n'étaient pas achevés ! Ce projet fut démarré en 1999 et traîna jusqu'à 2002, date à laquelle je le bouclais définitivement. Mais ce n'était pas la première fois que j'étais en contact avec Anthony Rother : déjà en 93/94 je lui avais envoyé une démo du projet Genetik System, qui reçu une réponse négative mais de gros encouragements. L'histoire veut que quelques mois plus tard ces mêmes morceaux soient signés chez Distance Records / Sony music sur l'album "Initiatique". En ce qui concerne la sortie de Konztruktivizm, je ne peux te cacher que j'ai rencontré d'énormes problèmes. Je n'y pensais même plus ! Tout d'abord il y eut un retard important sans explications (initialement prévu en début 2002), puis le changement de distributeur (Intergroove au lieu d'EFA), et enfin un retard pour la réalisation définitive de la pochette, tout cela dans une quasi-inexistence de communication entre nos deux parties (GenComProdukts International et General Music GMBH).
- A. : Peux-tu te présenter un peu plus ? D'où viens-tu, quel est ton background musical, quand et comment as-tu découvert la musique électronique ?
- N. : Je suis originaire d'Anvers (Belgique), bien que né à Berlin ou j'y ai passé une bonne partie de mon adolescence avant de faire mes études supérieures à Bruxelles. J'habite depuis nombres d'années maintenant à la fois en France et en Belgique. J'ai démarré ma carrière musicale en 1978, âgé alors de 13 ans. A l'époque je faisais parti d'un groupe punk Berlinois qui reçut un assez bon succès. Ma carrière est plutôt éclectique : de projets New Wave et electro au début des années 80 (nombreuses productions et participations sous divers pseudos plus ou moins connus), en passant par la musique industrielle et l'EBM. C'est vers 1989 que je pris un nouveau tournant en découvrant l'Acid house et la New Beat. De là naquit le projet Genetik System (certainement le plus connu car beaucoup de prestations à travers le monde entier) puis vers la fin des années 90 le projet x2proton (Ambient). J'ai découvert la musique électronique par le biais de la vague planante allemande dans les années 70 (Tangerine Dream, Can, Neu, Klaus Shulze etc...) puis par Kraftwerk et Telex bien sûr. Mais c'est vraiment fin des années 70 que mon goût pour cette musique augmente grâce à toutes cette nouvelle vague d'artistes "Punk-électro" comme les américains de "Suicide". Les tous premiers travaux des "Human League" menés alors par les ingénieux Ian Graig Marsh et Martin Ware, mais aussi Gary Numan, John Foxx, Cabaret Voltaire, DAF, le groupe Français Moderne (quasiment inconnu !), Kas Product, Depeche Mode et autres Ultravox, furent et sont encore d'énormes influences pour moi. Par la suite, c'est toute une flopée d'artistes du monde entier qui s'ajoutèrent à mes influences mais je ne suis pas uniquement bloqué à l'électronique. J'apprécie énormément le gothique des années 80 et la musique industrielle, tout particulièrement les groupes SPK ou TG, qui sont de grosses influences pour moi.
- A. : Parlons de Genetik System, un projet musical qui semble avoir marqué le tournant dans ta carrière. Expliques-nous comment passe-ton de la transe expérimentale à de l'electro pure ?
- N. : Je ne suis pas passé de ceci à cela, car l'electro est une des tendances que j'exploite depuis plus de 20 ans. Je n'aime pas les étiquettes et pour moi il ne s'agit là que de "musique électronique" au sens large du terme. D'ailleurs si tu prends l'album "Initiatique" de Genetik System sorti en 95 ou le "Welcome to Psycholand" sorti 2 ans plus tard, tu pourrais t'apercevoir qu'il y à des morceaux très "electro". "Apocalypse" , "Trauma" ou encore "Welcome To Psycholand !" en sont les meilleurs exemples. Pour conclure sur Genetik System, je dois souligner que ce ne fût pas une bonne affaire car je suis toujours en procès avec ces escrocs de Distance Production, label toujours actif par ailleurs, et qui n'a jamais respecté ses engagements, notamment en matière de paiement ! Au final, je me suis fait tout simplement avoir et il est bon de le dire afin de prévenir certains qui seraient tentés de traiter avec ce label.
- A. : Sous le pseudo Növö, tu expérimentes l'electro. En tant que X2 Proton, tu explores un coté plus ambient. Comment manages-tu en parallèle ces deux projets musicaux ? Qu'attends-tu de la musique ? Quels autres styles aimerais-tu développer ?
- N. : Une nouvelle fois, je ne fonctionne pas en terme de management, de carrière ou de style mais en terme d'expression. Je n'appartiens pas à ceux qui s'enferment dans le carcan du "mainstream". Je tends juste à m'exprimer et à faire partager cette expression à ceux qui le souhaitent, rien de plus ! L'ambient et l'expérimental sont des styles qui me sont les plus chers car ils permettent l'exploration d'horizons très vastes, et sans interdits ! Pas de place aux dogmes ou autres dictats des systèmes musicaux classiques, comme cela est le cas aussi dans la Techno ou l'electro "tendance". Il est clair qu'il est bien plus facile de faire une copie de ce qui a déjà été fait, plutôt que d'innover ou du moins d'essayer de faire avancer le style. L'ambient et l'expérimental font figures de rebelles dans cette industrie bien formatée.
- A. : Expliques-nous ton processus de création ? Je veux dire par là comment crées-tu ces sons ? Pars-tu d'une idée ou d'une influence spécifique ? L'idée est déjà présente dans ta tête avant de concevoir ou tu te mets simplement devant tes machines en attendant qu'un son retienne ton attention ? Quels types d'instruments utilises-tu, de l'analogique en majorité ou bien ?
- N. : Je conçois mes sons et mes compositions en fonction d'une idée. Une fois l'idée bien précise, je la synthétise. J'utilise essentiellement du matériel analogique pour plusieurs raisons : 1) Chaleur 2) Grain 3) Rapidité de création de la matière brute (son), mais j'aime aussi associer des équipements numériques, non pas pour émuler de l'analogique, ce qui est malheureusement trop souvent le cas de nos jours, mais pour utiliser les importantes capacités en matière de synthèse que ces machines peuvent offrir. Il faut à mon sens utiliser le numérique pour ce qu'il est. Sa "sécheresse" peut être intéressante mais je ne suis cependant pas attaché à une utilisation systématique et unique. Mes machines préférées en analogique sont le Sequential Prophet5, le Moog Memorymoog+, le Korg mono/poly et le SH09 de Roland. En matière de boîte à rythme c'est la KR55 de chez Korg et bien sûr la TR808. Pour ce qui est du numérique c'est sans conteste le Roland JD800 ou le Sampler bien sûr. J'ai durant plus de 20 ans eu l'occasion d'utiliser toute une flopée de synthés, la liste se trouvant sur le Site GenComProdukts International.
- A. : Présentes-nous GenComProduks.
- N. : GenComProdukts International est une unité promotionnelle créée initialement pour mes projets. Au fil du temps, cette unité s'est ouverte à d'autres artistes ayant retenus mon attention tels FLOOD VEYOR, mené par le talentueux Français Frank Goupil ou encore SIDHARTHA, orchestré par Andrew Kiritchenko, artiste expérimental Ukrainien.
- A. : Y a-t-il une scène electro en Belgique et si oui comment la décris-tu?
- N. : Oui, bien sûr. Une importante scène d'ailleurs, et beaucoup plus underground et radicale que celle qu'on peut voir en France ou elle est quasi-inexistante. La France est un pays à dictats au niveau de la musique. Ce n'est pas d'aujourd'hui. En matière d'électronique, elle ne s'ouvre pas du ghetto du "rythme binaire", ce qui est très ennuyeux à la fin. La culture électronique Belge ne date pas d'aujourd'hui et depuis plus de 25 ans reste très active. L'electro Belge est plus axée sur l'expérimental et le Dark, tandis qu'en France c'est le coté "popy" qui l'emporte.
- A. : Quel est l'artiste avec lequel tu rêverais de travailler ?
- N. : Ils sont nombreux ! Ce sont surtout ceux de l'ancienne génération, la mienne donc ! (sic) Pour en citer deux que je respecte tout particulièrement, je dirais John Foxx et les Suicide (Martin Rev /Alan Vega), ces deux projets étant toujours bien actifs de nos jours ! J'aimerais aussi pouvoir travailler avec un vrai chanteur à la voix bien caverneuse !
- A. : Que peut-on espérer de Növö cette année?
- N. : Du bonheur et de pouvoir être accueilli chaleureusement partout ou je me produis.
- A. : L'expérience live t'intéresse-t-elle ?
- N. : Justement ! J'y travaille dur et je suis à la recherche de propositions pour du booking... d'ailleurs je lance un appel ! La performance est déjà bouclée mais attend que des organisateurs audacieux se bougent un peu. Une date est néanmoins prévue déjà à Paris le 26 septembre 2003 au Nouveau Casino en compagnie des Ultradyne de Detroit et Adult. J'attend la suite...
- A. : Un dernier mot pour la communauté electro ?
- N. : Audace ! www.psi49net.de www.gencomprodukts.com www.mp3.com/novo/ www.gem-store.de Nexus 6, 26/05/2003
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